
On ne changera pas le monde avec un bocal de pickles, mais on peut commencer par là. Cuisiner, ce n’est pas juste nourrir. C’est un geste de soin, de lien, de résistance. Quand on prépare une soupe à plusieurs, qu’on partage un plat simple, qu’on transmet une recette, on ne remplit pas seulement des assiettes : on construit du commun. Et oui… Manger, c’est politique !
Face à l’inflation, au climat qui déraille, à l’injonction de consommer toujours plus, choisir une autre cuisine devient un acte politique. Refuser le tout-prêt, cuisiner avec peu, avec les autres, avec les saisons : c’est reprendre du pouvoir.
Ce texte parle de cuisine, oui. Mais surtout d’autonomie, de transmission, de justice, d’avenir. Parce qu’une autre société peut commencer là : entre une casserole, un apéro partagé ou un bocal de pickles maison.
Sans lutte des classes, l’écologie c’est du jardinage !
Impossible de parler cuisine et politique sans parler de classe. Manger, c’est politique. Oui, sauf qu’en France, un tiers des gens n’ont pas accès à une alimentation suffisante et équilibrée. Pas par négligence mais par manque d’argent, de temps, de choix. Et pourtant, on leur parle “écologie”, on les culpabilise, on méprise la malbouffe des pauvres.Pendant que la gauche caviar bouffe du homard, que l’extrême centre se gave de cordons bleus et que l’extrême droite engloutit des côtes de bœufs !
Il faut être clair : ce n’est pas aux pauvres de sauver la planète pendant que les riches la carbonisent.
Cuisiner sainement demande du temps, de l’énergie, parfois du matériel, souvent un peu d’organisation. Or, notre vie précarisée l’interdit : horaires décalés, enfants à élever seul·es, les démarches administratives à suivre, France Travail “Patrie”… Qui a deux heures pour faire tremper des lentilles ou râper des navets ?
Et pourtant, ça cuisine. Dans les quartiers, les squats, les foyers, on s’organise, on se transmet des plats de résistance au sens propre comme au figuré. Ça, c’est de l’écologie concrète.
L’écologie sans justice sociale, c’est du tri sélectif à deux vitesses. Ce qu’on défend ici, c’est une écologie populaire. Pas culpabilisante, pas moralisante, une écologie qui bricole, qui partage.
On partage pas des restes, on partage des luttes !
Cuisiner avec peu, bricoler avec ce qui traîne au fond du frigo, ce n’est pas honteux. C’est là que naissent l’astuce, la débrouille, la solidarité.
Pickles maison, soupe avec des légumes glanés, plats collectifs avec des restes… Ce ne sont pas des recettes de magazine. Ce sont des recettes de résistance. Elles nourrissent les corps, mais aussi l’estime, la dignité, le lien.
Parce que cuisiner avec ce qu’on a, ce n’est pas juste survivre. C’est créer un espace où tout le monde a sa place même sans moyens.
Les repas de quartier, les cuisines populaires, les cantines de lutte ont une force singulière : avec presque rien, elles font beaucoup. Une soupe partagée peut chauffer plus que le corps. Et parfois, c’est autour d’un plat que se décide un monde un peu plus juste.
Le village de l’eau, c’est l’incarnation même de ces valeurs : une zone de lutte où la cuisine n’est pas en arrière-plan mais au cœur. Là où on se retrouve, où on tient, où on se parle, où on pense.
On pourrait croire que la lutte, ce ne sont que des barricades et des mégaphones. Mais non. La lutte, c’est aussi une gamelle qui réchauffe, une marmite qui circule, une place à table qui rassure.
Cuisiner avec ce qu’on a, pour qui est là, ce n’est pas juste survivre. C’est faire corps. C’est tenir debout ensemble. Parfois, la cuisine est notre première barricade.
La planète brûle, le frigo est vide !
Cuisiner dans un appart à 30 °C en juin, c’est devenu un sport extrême. Allumer un four, rester debout une heure devant les fourneaux ? On oublie.
La canicule transforme la cuisine en épreuve. Et ce n’est que le début. Parce que la réalité, c’est que le fameux seuil des +1,5 °C a déjà été dépassé. Et qu’on cuisine, maintenant, dans un monde qui a déjà trop chauffé.
Alors on s’adapte. On cherche le frais, le rapide, le léger. Les pickles de légumes, encore eux, sont parfaits : pas de cuisson, peu d’énergie, longue conservation. Dix minutes pour plusieurs semaines. Mais ce n’est pas qu’une question de recettes : c’est une prise de conscience.
On ne peut plus bouffer comme si tout allait bien. Il faut penser autrement. Moins de viande, bien sûr. Mais aussi moins de légumes qui boivent la flotte comme des climatiseurs, moins de produits exotiques, moins d’emballages. Plus de fait maison, plus de local, plus de collectif.
Dans beaucoup de régions du monde, les gens ont déjà évolué. Parce qu’iels ont compris qu’on avait plus le choix. Sécheresse, effondrement des récoltes, rationnement. Et chez nous, on fait quoi ? On continue avec nos tomates de serres chauffées, nos avocats qui ont traversé l’Atlantique ?
Il est temps de regarder ce qui se fait ailleurs, d’apprendre des cuisines qui ont toujours su faire avec peu, avec la débrouille. D’imaginer des recettes d’avenir qui ne crament pas tout au passage.
De la confiture aux luttes !
Quand un enfant apprend à faire des confitures avec une grand-mère, à partir de fruits abîmés, ce n’est pas juste attendrissant. C’est politique. C’est transmettre des savoirs qui tiennent dans les tempêtes. C’est cultiver des résistances.
Les cuisines ont toujours été des lieux de vie, mais aussi de veille. On y cause, on y écoute, on s’y organise, entre deux épluchages. Des décisions y sont prises, bien plus fortes qu’en réunion.
Et si Louise Michel n’était peut-être pas derrière les fourneaux, elle n’en défendait pas moins la vie, jusqu’à celle des animaux. Elle dénonçait déjà les violences faites aux bêtes dans les cirques, les laboratoires, les boucheries.
Ce fil rouge, on le retrouve aujourd’hui dans les luttes pour une alimentation juste et non violente. Parfois, dans une marmite, on cuisine aussi cette idée-là : nourrir sans dominer, transmettre sans reproduire les schémas de pouvoir, apprendre des autres sans effacer leurs voix.
Ton entrecôte pue le patriarcat !
« On mange de la viande selon ce qu’on a dans le porte-monnaie, pas dans le slip. »
— Fabien Roussel, 2022
Quand on vous dit que manger, c’est politique, voici un bel exemple de récupération avec cette punchline viriliste. Mais derrière, on écrase tout : la souffrance animale, le dérèglement climatique, les stéréotypes de genre, les logiques d’exploitation.
Réduire ou boycotter la viande, ce n’est pas une lubie. C’est un geste féministe, écologique, anticapitaliste. Refuser un système où les femelles sont inséminées, dépossédées, pressées jusqu’à l’épuisement, dans l’industrie laitière comme celle des œufs, c’est résister.
En 2025, L214 sort Le Sauvetage du siècle, avec un objectif clair : diviser par deux le nombre d’animaux tués pour l’alimentation d’ici 2030. Au programme : 50 % de menus végétariens dans les cantines, moratoire sur l’élevage sans plein air, encadrement de la pub pour la viande comme on l’a fait pour le tabac. Ce n’est pas radical. C’est rationnel.
On veut du pain, pas du cancer !
Quand les récoltes brûlent, quand l’eau manque, la nourriture devient une urgence. Elle devrait relever du droit, comme la santé, comme l’école. La sécurité alimentaire devrait être une branche de la sécurité sociale.
Mais l’État la piétine. La loi Duplomb, adoptée récemment le prouve. Sous couvert de “simplification” ou de “souveraineté alimentaire”, elle ré-autorise des pesticides, affaiblit les protections environnementales, soutient les bassines et les fermes-usines.
Ils donnent le cancer à nos gosses. Ils tuent pour s’enrichir. Voilà la logique.
Et puis, il y a Zoé, 15 ans |
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Rescapée d’une leucémie, Zoé a écrit aux député.e.s tueurs d’abeilles et d’enfants, à ceux qui ont voté la loi Duplomb. En voici un extrait, le texte en intégralité est publié sur la page Instagram des Aigrettes du 17. Elle leur a dit : “Je me souviens de tout. De la peur dans les yeux de mes parents. Des piqûres, de la chimio, de la douleur. Des journées passées à l’hôpital où je voyais d’autres enfants comme moi : sans cheveux, sans forces, parfois trop fatigués pour sourire. Je suis encore là, moi. Mais combien d’autres ne le sont plus ?” |
Comment peuvent-ils rester insensibles à ça ? Comment peut-on lire ça, entendre ça ? Et continuer comme si de rien n’était ? Comment ne pas organiser la révolte ? Comment ne pas boycotter les chaînes alimentaires qui empoisonnent, les fermes-usines qui mutilent le vivant, les bassines qui volent l’eau pour se gaver des profits ?
L’agro-industrie tue. L’inaction complice aussi. Il ne s’agit plus de débattre. Il s’agit de choisir :
- La vie ou le poison.
- La solidarité ou la soumission.
- Une alimentation saine ou le cancer.
- La terre ou le béton.
Et puisque eux, là-haut, ont choisi l’argent, alors nous, ici, on poursuivra la résistance !
Parce que manger, c’est politique : mangeons les riches !
On a coupé des têtes pour du pain. Pas pour un programme, pas pour des idées. Pour du pain. En 1789, les femmes ont marché sur Versailles, fourches en main, ventres vides.
Pendant la Commune, c’était pire. On a mangé du rat. Pas par folklore. Par nécessité. Parce que la faim, c’est la limite.
Et aujourd’hui ? On n’en est pas là — mais on n’en est pas loin. Des frigos vides, il y en a. Des familles qui sautent des repas, il y en a. Des étudiant·es qui font la queue devant les banques alimentaires, il y en a.
Pendant ce temps, les rayons débordent de produits ultra-transformés. Les légumes deviennent un luxe. L’agro-industrie se gave. Et nous, on crève.
Alors non, on n’attendra pas de manger du rat pour parler bouffe. On n’attendra pas l’effondrement total pour se demander ce qu’on met dans nos assiettes. Cuisiner avec peu, transmettre une recette, apprendre à conserver, à faire durer, à partager c’est déjà une riposte. Ce n’est pas nostalgique. C’est stratégique.
La faim a déclenché des révolutions. Aujourd’hui, on tente de la calmer avec des tickets restos. Mais autour d’un plat, même modeste, il reste de quoi tenir, de quoi tisser, de quoi penser. Et peut-être, de quoi tout faire repartir ! Alors pour ça : mangez les riches !
Un bocal de pickles ne fera pas la révolution, mais c’est un bon début
La révolution commence peut-être par un bocal de pickles, par un goûter autour de crêpes au caramel beurre salé. Ce ne sont pas des gestes d’arrière-cuisine. Ce sont des actes. Des positions. Des graines plantées dans un sol sec. Des étincelles dans une cuisine étroite. Des résistances qui mijotent doucement.
Alors oui, même si manger, c’est politique, on le sait, on ne changera pas le monde en un repas, mais, en revanche on peut nourrir ce qui le fera bouger. Et c’est ce qu’on a décidé de faire, nous, au RRC (réseau de résistance citoyenne).
On y partage nos recettes anti-crise. On lance également l’idée d’organiser des apéros partagés, pour discuter, réfléchir et construire des ripostes. Un moment pour se retrouver, s’informer, s’organiser, sans se prendre trop au sérieux, mais sans baisser les bras non plus.
Fort·es du succès de l’apéro partagé après le jeu de rôle du 28 juin, on remet ça à la rentrée. Dès septembre, un rendez-vous mensuel vous sera proposé pour penser la lutte autrement, dans un cadre convivial et accessible.
On vous recontacte fin août avec toutes les infos. En attendant, on vous souhaite un bel été.
Et souvenez-vous :
Manger, c’est politique. On ne changera pas le monde avec un bocal de pickles, mais on peut très bien commencer par là ! ✊
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