Insécurité à Saintes, un enjeu électoral ?

Insécurité à Saintes

6 pages… 6 pleines pages sont consacrées à la sécurité dans le magazine municipal. Il n’y a plus de doute, la campagne pour les élections municipales est lancée. Et comme partout en France, le sujet central est cette soi-disant insécurité qu’il faut combattre, à tout prix. Mais qu’en est-il exactement et pourquoi le capitalisme en a fait son fonds de commerce électoral ? Insécurité à Saintes, La Guillotine Saintaise vous dévoile les dessous d’une stratégie malsaine.

Un dossier sécurité vide et sans fondement

Aux prochaines élections municipales, l’équipe en place qui compte se représenter, va orienter sa campagne sur le volet sécurité. La propagande a d’ailleurs déjà commencé et notamment à travers le dernier bulletin municipal.

Seulement, si vous avez lu attentivement les six pages du dossier sécurité, vous avez dû noter l’absence de chiffres sur l’insécurité à Saintes. On y parle de 170 opérations de contrôle (pour quels résultats ?), de mains courantes (pour quels types de plaintes ?), de 45 interpellations (idem, pour quels délits ?) ou encore de 48 domiciles surveillés (combien de cambriolages évités ? Aucune idée !).

Autre imprécision du dossier. La municipalité se targue d’investir dans 9 caméras supplémentaires, mais oublie de préciser le coût de l’opération et son efficacité.

Les vrais chiffres sur l’insécurité à Saintes

Nous l’avions évoqué dans notre article sur les caméras de surveillance, l’insécurité à Saintes est quasiment inexistante (données officielles du ministère de l’Intérieur) :

  • Délinquance : 8 faits pour mille habitants.
  • Coups et blessures volontaires : 204 dont 50,49 % intrafamiliaux.
  • Vols avec arme : 0.
  • Vols violents sans arme : 22.

Alors effectivement, certaines personnes alcoolisées sont bruyantes. Des incivilités, souvent en lien avec la précarité et la prise de stupéfiants, existent. Mais, ne faudrait-il pas les aider au lieu de construire un programme électoral basé sur la peur de l’autre ?

Pourtant, au lieu de cela, le maire actuel se glisse dans la brèche de l’insécurité à Saintes. Avec la montée inquiétante de l’extrême droite et la fascisation du pays, M. Drapon a décidé de surfer sur la vague pour se faire réélire…

Pour info :
Ces derniers jours la polémique enfle sur l’armement des policiers municipaux et la vidéosurveillance. Là encore, méfiez-vous des pseudos journalistes et politiciens qui s’offusquent du désarmement de la police municipale.
Leurs arguments sont sans fondement et leurs discours purement à visée électorale. Paris, Rennes, ou même Londres ont fait le choix d’une police municipale non armée. Et ces villes ne sont pas pour autant livrées au chaos. Alors pourquoi cet entêtement ? Pour faire croire que la menace est partout, même là où elle n’est pas. Pourtant le rapport de la Cour des comptes sur les polices municipales est clair :
« L’armement des polices municipales ne diminue pas la délinquance. Il crée des risques supplémentaires pour les agents comme pour les citoyens. »

L’insécurité à Saintes, première préoccupation des habitant·es ?

Sans surprise la réponse est non. Lorsque l’on questionne les habitant·es de Saintes, leurs principales préoccupations concernent :

  • L’état catastrophique des trottoirs, dangereux et inadaptés aux poussettes et aux personnes à mobilité réduite.
  • La pénurie de médecins et de spécialistes.
  • Les inondations, de plus en plus fréquentes.
  • Le coût des ordures ménagères et les dépôts sauvages.

La sécurité arrive bien loin derrière et se traduit essentiellement par un sentiment d’insécurité. Rien de concret en somme. Sauf pour les piétons qui risquent leur vie dans cette ville où la voiture règne en maître… Pourtant de nombreuses villes ont réduit leur vitesse maximale autorisée à 30 km/h, dont La Rochelle d’ailleurs.

La stratégie bourgeoise pour garder le pouvoir

D’après le site Statista, près de 60 % des français·es déclarent ne pas se sentir en sécurité en 2024. Pourtant, le dernier rapport du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) est clair : «En 2024, la tendance la plus notable en matière de délinquance enregistrée concerne les violences physiques, en particulier les violences intrafamiliales. » Et oui, c’est malheureusement une triste réalité, la principale insécurité, c’est celle que vivent les femmes et les enfants au quotidien.

Mais alors, pourquoi un tel décalage entre l’insécurité réelle et le sentiment d’insécurité ? Tout est une question de stratégie…

Imposer son idéologie raciste par tous les moyens

L’insécurité réelle ne suffit pas à justifier les discours anxiogènes. Alors certains ultra-riches ont trouvé une autre solution : créer un climat de peur permanent pour faire passer leur idéologie raciste.

C’est la stratégie notamment de Vincent Bolloré et Pierre-Édouard Stérin. Leur méthode ? Acheter des médias, façonner l’opinion et préparer le terrain pour l’extrême droite. Le projet Périclès, révélé par L’Humanité, en est l’illustration parfaite : il s’agit d’un plan assumé pour installer durablement le Rassemblement national au pouvoir, en contrôlant l’information et les idées.

Cela passe aussi par l’éducation : Pierre-Édouard Stérin a créé un internat catholique hors contrat en Sologne, échappant au contrôle de l’Éducation nationale. Objectif ? Former une nouvelle élite ultra-conservatrice, dès le plus jeune âge. Pendant ce temps, l’extrême droite multiplie les écoles de cadres pour organiser et diffuser sa vision du monde.

Le discours sur l’insécurité est un prétexte. L’objectif réel est d’installer une vision rétrograde de la société, fondée sur la division, l’autoritarisme et la haine de l’autre.

Diviser pour mieux régner : le mantra du capitalisme

Le vieux procédé du bouc émissaire n’a pas changé depuis des siècles : pour faire oublier les vrais problèmes, on en invente de nouveaux. Et pour ça, quoi de mieux que de désigner des responsables tout trouvés ?

Aujourd’hui, ce sont les pauvres, les étrangers, les musulman·es, les jeunes des quartiers… On stigmatise les bénéficiaires du RSA, on fait la chasse aux migrant·es sous OQTF, on parle de « zones de non-droit » ou de « séparatisme ». Mais les faits sont là : ce ne sont pas les pauvres qui détournent des millions via l’évasion fiscale. Ce ne sont pas les jeunes des quartiers qui financent les campagnes électorales à coups de valises de billets.

Pendant que certains volent pour survivre, d’autres volent pour prospérer. Le non-droit est élevé au rang de culture par les dirigeants les plus nantis et les moins intègres, qui s’asseyent sur les règlements internationaux, les constitutions, les lois sociales et environnementales, etc.

Le sentiment d’insécurité est avant tout alimenté par des représentations sociales, souvent déconnectées des faits. Et ces représentations sont sciemment entretenues par une partie de la classe politique et des médias.

Le but ? Diviser la population pour éviter qu’elle ne se mobilise sur les véritables urgences sociales, écologiques ou économiques. Pendant que les gens se méfient de leur voisin·e, ils ne regardent plus vers celles et ceux, qui, en haut, concentrent les richesses et le pouvoir.

Une insécurité créée de toute pièce

Attention : il ne s’agit pas de nier les violences ou les agressions. L’augmentation des violences dues au trafic de stupéfiants sont une réalité inquiétante. De même, les tentatives d’homicide sont également en hausse (+ 7 % en 2024). En revanche, les homicides, eux, sont en baisse de 2 %. Pourtant, cette nuance, personne ne la met en avant. Pourquoi ? Parce qu’elle ne sert pas le récit du chaos généralisé.

On assiste même à la création de fausses informations par la fachosphère, reprises par les élu·es, du Rassemblement national aux Républicains et répandues par Cnews.

Récemment, nous avons eu le droit à un exemple typique de manipulation. Grâce à des images générées par l’IA et de faux témoignages, la fachosphère publie sur Frontière, un média d’extrême droite une information fabriquée de toute pièce. Des jeunes auraient profité de l’incendie qui a dévasté les abords de l’Estaque et des quartiers nord de Marseille pour piller des lotissements désertés de leurs habitants.

Sauf que la police a confirmé qu’aucun pillage n’a été constaté et que les cas mentionnés étaient faux. Les journalistes de TF1 ont même analysé les images et preuves à l’appui, démontré qu’il s’agit de montages et d’un ignoble mensonge raciste.

Et ce genre d’intox n’est pas un cas isolé. Chaque semaine, la fachosphère alimente un flot de fake news, reprises sans vérification par certain·es élu·es ou médias.

Résultat : on crée une insécurité fantasmée, qui fait oublier les vrais problèmes tels que la pauvreté, les inégalités, la crise du logement ou encore les services publics abandonnés. Mais ces sujets n’intéressent pas ceux qui préfèrent brandir le spectre de l’ennemi intérieur pour mieux asseoir leur pouvoir. Même un simple drapeau palestinien est devenu un potentiel trouble à l’ordre public !

Conséquences des politiques sécuritaires de droite

Rappelez-vous, Darmanin qui, il y a deux mois, déclarait : « Il n’y a plus de lieu « safe »en France », Valls qui parle « d’ensauvagement » ou encore Retailleau qui lance sa campagne pour les présidentielles sur le thème « La France des honnêtes gens » alors qu’il entretient des liens très étroits avec Nicolas Sarkozy… Ces phrases ne reposent pas sur des faits, elles sont juste là pour alimenter un climat d’angoisse utile en période électorale.

Cela fait plus de 20 ans que droite et PS tiennent les manettes du ministère de l’Intérieur. De Sarkozy à Darmanin, en passant par Hortefeux ou Guéant, le mantra est toujours le même : plus de caméras, plus de policier·es armé·e·s, plus de répression.

Le résultat ?

  • Les violences intrafamiliales explosent (+16 % en 5 ans), mais les vols avec violence diminuent. Pourtant, on continue de mettre des caméras dans les rues, comme si cela allait régler les problèmes à la maison.
  • Les comportements racistes augmentent. À force de brandir le voile comme une menace intérieure, ce sont les femmes qui en subissent les conséquences. Elles sont de plus en plus confrontées à des violences verbales et physiques de la part de passant·es ou de commerçant·es.
  • Les violences policières se multiplient, en particulier contre les jeunes des quartiers populaires, toujours plus contrôlés, toujours plus ciblés. Le Défenseur des droits alerte régulièrement sur ces dérives, mais le gouvernement fait la sourde oreille.
  • Les milices d’extrême droite prolifèrent, armées et organisées, profitant du climat sécuritaire pour se livrer à des actions violentes contre les migrant·es, les militant·es ou les journalistes. Mais là, silence radio du ministère de l’Intérieur.
  • Les manifestant·es sont de plus en plus réprimé·es. L’usage des LBD, des grenades de désencerclement et des gardes à vue préventives devient la norme dès qu’une mobilisation sociale prend de l’ampleur. En 2023, l’ONU elle-même a alerté sur la violence disproportionnée contre les manifestant·es en France.

L’insécurité à Saintes ou comment cultiver la peur pour se faire (ré) élire

Le dossier sécurité de la mairie de Saintes n’est pas un document d’information, c’est un tract électoral. Il joue sur l’émotion, sur l’angoisse, jamais sur les faits.

L’insécurité existe, bien sûr. Mais elle est d’abord sociale, sanitaire et écologique. C’est la peur de ne pas trouver de médecin, de voir son quartier inondé, de ne pas pouvoir payer ses factures. Ce sont ces urgences-là que les politiques devraient traiter.

Au lieu de ça, à Saintes comme ailleurs, la droite et l’extrême droite recyclent la même recette électorale : insécurité = votes. Même si les faits disent le contraire, peu importe. L’important, c’est de maintenir l’illusion du danger pour apparaître comme les seuls capables d’y répondre.

En attendant, à La Guillotine Saintaise on continuera à rappeler une évidence : la sécurité n’est pas qu’une affaire de policier·e·s et de caméras. C’est d’abord une question de justice sociale.

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