Sécurité ou illusion ? Pourquoi les caméras de surveillance n’aideront personne à Saintes

Caméras de surveillance

La municipalité saintaise prévoit d’installer 38 caméras de surveillance supplémentaires. Entre un budget dédié qui risque d’impacter durablement les finances de la ville et une efficacité très discutable de la vidéosurveillance, La Guillotine Saintaise vous explique en détail pourquoi les caméras nuisent aussi bien aux habitants et commerçants saintais qu’aux policiers et agents municipaux.

Les caméras de surveillance à Saintes : prévisions et lieux d’implantation

Aux 25 caméras existantes, la municipalité de Saintes compte en ajouter 38 pour un total de 63 caméras. À chacune de ses interventions sur le sujet, M. Drapon, actuel mairie de Saintes, évoque un budget de 200 000 € pour la vidéoprotection, parfois 300 000 €. Mais outre ces dépenses imprécises qui englobent une petite partie des frais afférents, les lieux mêmes d’implantation peuvent questionner.

Boiffiers, Bellevue, La Fenêtre, Saint Louis, le jardin public et les axes principaux de la ville sont concernés. Pourquoi une telle concentration sur certains quartiers de Saintes ? Sans vouloir extrapoler, à la Guillotine Saintaise, nous y voyons une très forte discrimination.

Vous noterez l’emploi du terme « vidéoprotection ». L’État et les collectivités préfèrent parler de protection. C’est un bel exemple de novlangue. Nous avons décidé d’appeler un chat un chat et donc de continuer à employer le terme « vidéosurveillance ». Parce que c’est bien de surveillance dont il s’agit…

Le coût réel de la vidéosurveillance à Saintes

Pour bien comprendre le coût total de l’opération, il faut prendre en compte :

  • Les frais d’aménagement du nouveau centre de sécurité urbaine (CSU) de 100 000 euros.
  • Les coûts de fonctionnement annuel estimés à 399 000 € hors taxes.
  • Les 11 employés sur site.

Le coût réel est bien au-delà de ces maigres prévisions. À moins de faire travailler bénévolement l’équipe de surveillance, rien que le coût salarial annuel pour 11 agents, dont 3 opérateurs professionnels, avoisine les 350 000 €. Et ces chiffres ne tiennent pas compte des formations, primes, équipements, assurances, etc.

La vidéosurveillance : une efficacité remise en question par la Cour des comptes

Dès 2020, dans son rapport sur les polices municipales, la Cour des comptes émettait de vives critiques face à un dispositif qu’elle juge inefficace : « aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation ».

En 2021, le Monde fait état d’une étude commandée par les gendarmes qui démontre l’inefficacité de la vidéosurveillance et dénonce le lobby des technologies de sécurité.

Même 20 Minutes, un journal pourtant très à droite, titrait en 2016 : « Après l’attentat de Nice, l’efficacité des caméras de surveillance remise en question. » Voici quelques extraits marquants de l’article : « Les 1 256 caméras de surveillance réparties dans la ville de Nice n’ont pas permis d’empêcher l’attentat du 14 juillet 2016. Et ce, alors même que Christian Estrosi ne cesse d’en vanter les mérites… » ou encore « L’efficacité en temps réel des images de surveillance est un mythe. On ne trouve pas, ou extrêmement rarement, ce qu’on ne recherche pas, résume Cyril Rizk, analyste à l’ONDRP, l’office national de la délinquance et des réponses pénales. »

Un petit dernier avant de revenir sur Saintes : l’article du Figaro où Éric Piolle, maire de Grenoble fustige la vidéoprotection après la mort d’un adolescent de 15 ans alors qu’une caméra était pourtant placée à l’endroit où le jeune homme a été abattu. L’élu dénonce le manque de moyens humains. Les renforts d’effectifs promis n’étant toujours pas à l’ordre du jour…

État des lieux de la délinquance à Saintes

Mais, alors, à Saintes, y aurait-il une délinquance si importante qu’elle pourrait justifier ce que les grandes villes dénoncent ? Hé bien… non ! Voici quelques chiffres clés sur la délinquance à Saintes en 2023 qui proviennent des données officielles du ministère de l’Intérieur :

  • Délinquance : 8 faits pour mille habitants.
  • Coups et blessures volontaires : 204 dont 50,49 % intrafamiliaux.
  • Vols avec arme : 0.
  • Vols violents sans arme : 22.

Mais au-delà des chiffres, la municipalité elle-même reconnaît l’inutilité des caméras. Voici les propos de Mme Abelin-Drapon (conseil municipal du 4 avril 2024) :

« À Saintes, sur 2023, on a eu une baisse des cambriolages de logements, des coups et blessures volontaires, des coups et blessures volontaires hors cadre familial, c’est-à-dire qu’à chaque fois on différencie les violences intrafamiliales du reste. Sur les violences intrafamiliales, on est en hausse. »

« Au niveau des violences sexuelles, on est en baisse. Au niveau des trafics de stupéfiants, on est en baisse, diminué par deux, des usages de stupéfiants aussi. Destructions et dégradations volontaires, on est en légère hausse. Vols d’accessoires sur véhicules, on est en baisse. Vols dans les véhicules, on est en légère hausse. Vols de véhicules, on est en baisse. Vols sans violence contre des personnes, on est en baisse par rapport à 2022, et vols violents sans arme, on est en légère hausse, mais c’est quasiment à égalité. »

Enfin, une petite comparaison qui laisse dubitatif. Parmi les grandes villes françaises qui comptent le plus de caméras par habitant, Strasbourg (1 caméra pour 800 habitants) et Perpignan (1 caméra pour 400 habitants) font partie du podium. Saintes, qui compte un peu moins de 26 000 habitants, serait équipée d’une caméra pour 400 habitants, soit le double par habitant qu’à Strasbourg. À La Guillotine Saintaise, on trouve que c’est sacrément excessif pour une ville où la délinquance est quasiment inexistante.

Pour info : Jarnac en Charente, il y a une caméra pour 57 habitants. Depuis leur installation, la délinquance a progressé de 11 % en un an

Un budget qui pourrait financer une ville plus humaine

Alors pourquoi une telle dépense ? Pour rassurer la population ? Depuis quelque temps un sentiment d’insécurité se répand comme une traînée de poudre à travers le pays. Les médias privés (Cnews, Europe 1, etc.) en sont largement responsables.

Nous citons à nouveau madame Abelin-Drapon : « Il y a la différence entre la sécurité et la perception, avec des incivilités qui peuvent accroître l’impression d’être en insécurité. »

Un budget dédié colossal (dont pour rappel, 399 000 € HT de fonctionnement annuel), rien que pour une impression d’insécurité…

Bien que la propagande déversée soit sans fondement, le mal est fait : les gens ont peur. Mais alors, que faire ? Plutôt que de concentrer le budget sur l’installation de nouvelles caméras, d’autres solutions pourraient être envisagées pour améliorer le cadre de vie, apaiser les tensions, prévenir la petite délinquance et les violences intrafamiliales.

Renforcement des effectifs municipaux de proximité

Au lieu de multiplier les dispositifs de surveillance passifs, l’investissement pourrait servir à recruter et augmenter le salaire de 10 % des agents municipaux. Ces professionnels, visibles et accessibles, incarnent une présence rassurante dans l’espace public, tout en favorisant le dialogue avec les habitants. Comme c’était le cas avant que Sarkozy mette fin à la police de proximité.

Des agents formés pour mieux répondre aux problématiques locales

Des agents formés à la gestion des conflits interviennent bien plus efficacement dans des situations complexes. Sans oublier qu’une formation aux premiers secours psychologiques permettrait d’apporter un soutien immédiat aux personnes en détresse.

Des éducateurs de rue pour recréer du lien social

Les éducateurs de rue jouent un rôle clé dans la prévention des tensions. En étant en contact direct avec les jeunes, les habitants et les commerçants, ils peuvent désamorcer les conflits avant qu’ils ne dégénèrent et proposer des alternatives positives aux comportements à risque.

Un budget alloué aux violences intrafamiliales

Si la petite délinquance et les incivilités sont mineures à Saintes, les violences intrafamiliales sont en constante augmentation, comme partout en France. L’argent dédié à la surveillance pourrait être utilisé pour une protection réelle et efficace des victimes, ainsi qu’à la prévention.

L’impact négatif des caméras de surveillance sur la vie quotidienne

Au-delà de leur inefficacité, les caméras de surveillance auront des conséquences directes sur la vie des habitants, des commerçants et des agents municipaux. Loin d’apporter un sentiment de sécurité, elles risquent au contraire d’instaurer une ville plus rigide, plus froide, et moins humaine.

Pour les commerçants : une clientèle dissuadée

La vidéosurveillance ne se limite pas aux questions de sécurité : elle est aussi un outil de contrôle, notamment en matière de stationnement. Avec des caméras scrutant chaque mouvement, combien de clients potentiels éviteront le centre-ville par crainte d’être verbalisés pour un dépassement de quelques minutes comme c’est déjà le cas dans de nombreuses grandes villes ?

Jusqu’ici, un dialogue reste possible avec les agents de surveillance de la voie publique (ASVP), qui peuvent faire preuve de compréhension face à un léger retard ou une urgence. Mais avec un dispositif automatisé, plus aucune tolérance ni prise en compte des situations exceptionnelles : une caméra ne fait pas de distinction entre une infraction volontaire et un imprévu. Cette rigidité pourrait impacter directement l’attractivité des commerces du centre-ville au profit des grandes surfaces et enseignes implantées en zone commerciale.

Pour les agents de surveillance de la voie publique : des suppressions d’emplois

L’installation de caméras en remplacement des ASVP se traduira immanquablement par une réduction des effectifs. Ces agents, qui assurent une présence humaine dans l’espace public et permettent une approche plus souple et pédagogique du respect des règles, risquent purement et simplement de perdre leur emploi.

Pour les policiers municipaux : un changement de mission contestable

La multiplication des caméras entraîne un glissement progressif du rôle des policiers municipaux. Plutôt que d’assurer une présence active sur le terrain, au contact direct des habitants, ils risquent d’être de plus en plus sollicités pour des interventions basées sur des images vidéo, parfois sorties de leur contexte.

La surveillance permanente engendre aussi une charge de travail accrue, avec un risque d’instrumentalisation des forces de l’ordre pour des tâches de contrôle plus que de prévention. Cette approche peut éloigner la police municipale de sa mission première : assurer un service de proximité fondé sur l’écoute et la médiation.

Pour les habitants : une ville sous surveillance permanente

L’omniprésence des caméras modifie la perception que les citoyens ont de l’espace public. Plutôt que de se sentir protégés, beaucoup risquent de ressentir une surveillance oppressante, comme si chaque déplacement était scruté et analysé.

De plus, une erreur ou un oubli, qui aurait pu être corrigé par un échange avec un agent municipal, devient une infraction immédiatement sanctionnée. Cela peut renforcer un sentiment d’injustice et de frustration, détériorant ainsi la relation entre la population et les autorités locales.

Pourquoi les caméras de surveillance posent problème ?

L’installation massive de caméras de surveillance est souvent présentée comme un outil essentiel pour lutter contre l’insécurité. Pourtant, la réalité est tout autre : ces dispositifs n’empêchent pas les agressions, ils se contentent de les enregistrer. Pire encore, en donnant l’illusion d’une sécurité renforcée, ils masquent l’absence de moyens humains réellement efficaces pour prévenir les violences.

Le principal problème de la vidéosurveillance est qu’elle ne fait que constater, sans jamais prévenir. Une caméra n’a ni discernement ni capacité d’intervention. Elle ne remplace pas une patrouille de police municipale, elle ne dialogue pas avec les habitants, elle ne rassure pas les victimes potentielles.

En détournant les budgets municipaux vers des infrastructures coûteuses, mais inefficaces, on prive la ville des moyens humains qui, eux, ont un véritable impact sur la sécurité quotidienne. Les caméras ne protègent pas : elles enregistrent !

Conclusion : une illusion coûteuse aux dépens de la sécurité réelle

Loin d’être un rempart contre la délinquance, la vidéosurveillance à Saintes s’apparente à un mirage sécuritaire dont le coût astronomique ne se justifie ni par la réalité du terrain ni par une quelconque efficacité prouvée. À l’échelle nationale comme locale, les études et les faits démontrent que ces dispositifs ne préviennent pas les crimes, ne protègent pas les citoyens et détournent des ressources précieuses qui pourraient être investies dans des solutions humaines et préventives.

Plutôt que de transformer Saintes en ville sous surveillance, la municipalité pourrait choisir de renforcer les effectifs sur le terrain, de soutenir les victimes de violences, ou encore de recréer du lien social à travers des initiatives de médiation et d’éducation.

En fin de compte, les caméras ne remplaceront jamais la présence humaine et n’aideront finalement personne. Elles ne sont que des témoins muets des actes qu’elles étaient censées empêcher, pendant que les véritables solutions, elles, sont laissées de côté.