
Combattre le vide qui accable le monde rural avec des boutiques vides de personnel, il faut être startopper pour faire l’acrobate sur une telle antinomie. La Région Nouvelle-Aquitaine, elle, y croit… et soutien. Si vous ne connaissez pas encore les supérettes API, Christine et Denis vous expliquent cette aberration.
Les supérettes API : une alternative pour lutter contre la désertification ?
Enfin une bonne idée ! Pour vaincre la désertification des campagnes, dans les bourgs sinistrés, exsangues, vidés de leurs commerces, mettez des distributeurs automatiques, des épiceries sans épiciers, coquettes et prévenantes. Chaleur des caméras de surveillance et contact réussi pour téléphone portable et carte bleue. Vous y trouverez 700 produits Carrefour de base. Les mêmes partout, pas chers, chips au sel pas de Guérande, sodas au sucre abondant pour l’obésité, bonbons ou gâteaux, secs ou pas, bienvenus pour le diabète des jeunes et des vieux. On a même vu un poireau local et des bananes de là-bas, gavés de bonnes intentions et de vitamines.
Objectif au 31 décembre 2025 : 200 super supérettes API !
La start-up API venue de notre Cognac et de notre Bordeaux est une championne. Fin 2024, 85 super supérettes API sont déjà installées dans un vaste vaste Sud-Ouest qui va de la Normandie jusqu’à l’Armagnac en passant par le Limousin. Même la Creuse en a une ! Des champions on vous dit, principalement de la subvention, celle qui veille sur le confort des ruraux bien sûr.
La vigoureuse start-up bordelaise née en mars 2022 et riche de ses relations avec le Cognac, séduit les maires du monde rural et propose à foison des épiceries sans épicier dans les communes désertifiées. Et bien sûr, des supérettes API s’installent et le maire est content. Il fait quelque chose pour l’électeur et se débarrasse de toutes initiatives gênantes telles que des projets d’épiceries à épicier, d’épiceries associatives, coopératives, participatives, citoyennes, inclusives et même résilientes…
Des épiceries API biberonnées à l’argent public
Bravo les champions pour susciter si rapidement une telle confiance de la part des pouvoirs publics ! Réanimer le monde rural, mettre à disposition dans les bourgs privés d’épicerie, 7 j/7, de 8 h à 22 h, 700 produits Carrefour « à prix super marché », telle est la prouesse des promoteurs de l’abeille cordiale de leur pub.
Pub toujours, il s’agit de faire valoir l’indispensable sollicitude de ces quarantenaires qui vont régler tous les problèmes des derniers habitants des campagnes. Les entrepreneurs API, animateurs et sauveurs du monde rural.
Et ça marche ! Les aides publiques arrivent. En 2024, la Région Nouvelle-Aquitaine lâche jusqu’à 15 000 € par boutique, plus des aides détournées du « programme de reconquête en zone rurale » (dispositif national).
Pourtant, déjà en 2023, l’opération enregistrait 3,2 M de déficit malgré 500 000 € d’argent public (Fonds FEDER-Europe et Région Nouvelle-Aquitaine)…
Mais au fait, c’est quoi et c’est qui les supérettes API ?
Les supérettes API, c’est un concept suédois de 2018, qui débarque avec ses mobil-homes, distributeurs automatiques de produits d’épicerie, à peine recustomisés en Mayenne. C’est aussi une association étroite avec Carrefour et ses 700 produits de base et de basse gamme, façon de s’emparer des territoires avant les autres.
Et derrière Carrefour, se cache aussi la grosse main maligne d’Amazon, qui teste une fois encore un concept de vente d’épicerie et de produits frais dans des magasins sans caissiers.
Par-dessus le marché elle vend l’outil d’intelligence artificielle qui fait fonctionner tout ça. Des docteurs Folamour de l’IA, qui fichent à tour de bras le monde des campagnes grâce aux QR-codes, aux téléphones portables, aux cartes bancaires, aux multiples caméras embarquées.
On rêve devant une telle ambition. On rêve devant les veuves et veufs seuls, isolés, sans véhicule, lourds de tous leurs printemps en virtuoses des nouvelles technologies, les joues rosies de santé, bourrées de chips, coca, jambon Herta… qu’on leur réserve.
Le danger des épiceries API
Inquiétude dans le Sud-ouest devant l’envahissement de sa ruralité par des épiceries sans épicier, mais très connectées. D’emblée nous refusons le modèle de distributeur automatique puant Amazon pour vaincre l’isolement des habitants des campagnes.
Les dangers que les promoteurs, officiels et masqués font courir au monde rural se révèlent chaque jour un peu plus :
- Fichage massif.
- Standardisation de l’alimentation industrielle.
- Concurrence avec les initiatives locales humanisées.
- Détournement des subventions publiques ouvertes pour la revitalisation.
- Et maintenant, encouragements aux mairies et usagers afin d’assurer la sécurité des boutiques livrées à elles-mêmes. Avec toutes les déviances nauséabondes type « voisins vigilants » que cela stimule.
Refusons les supérettes API !
L’Empaillé, qu’on vous recommande, a publié un excellent article sur les supérettes API. D’autres journaux militants se mobilisent. L’âge de faire en frémit déjà. L’IPNS, le journal insupportable du plateau de Millevaches compte en parler et le sujet attise également le Syndicat de la Montagne limousine, expert dans l’art de réduire le désert, de l’animer et de défendre les habitants.
Allons, boutons, boutons, faisons notre Jeanne d’Arc, notre Charles Martel. Prévenons nos chers édiles afin qu’ils puissent eux-aussi, mettre leur corps en travers.
Nous pensons que de s’opposer à cet envahissement n’est pas une lutte d’opérette. Ne retrouvons-nous pas là l’autre bout de la chaîne infernale et capitalistique qui va des bassines monumentales à l’alimentation du monde, de tout le monde. L’Afrique n’est-elle pas déjà dans le viseur ?
Et puis rêvons à une Région soucieuse, vraiment, de stimuler un dynamisme chaleureux dans nos campagnes. 15 000 € par apinette, un apicier pour 5 de ces boutiques déshumanisées comme prévoit la jeune entreprise pour balayer, réapprovisionner, réparer, encourager la pub locale… et disparaître.
Sortons notre vieille règle à calcul et on obtient 75 000 € pour 5 boutiques. Cet argent, on le confie à de vrais gens intéressés pour vivre sur ces territoires avec tous leurs talents et toute leur énergie. Ils investissent l’argent dans un magnifique véhicule coloré avec lequel ils vont, 2 fois par semaine, passer 2 h matin ou après-midi dans chacun de ces 5 villages. Et avec le sourire, la blague d’accueil, le choix des produits qui correspondent aux clients. Clients qui vont les attendre comme une visite. Autre chose que les caméras et robots, non ?
Article rédigé par Christine Vimpère et Denis Tricot, habitants des campagnes saintongeaises